Si vous rapprochez de l’immense Comédie humaine l’ensemble d’études que forment, sur les mœurs de l’ancien régime, les comédies et les romans des deux derniers siècles, vous serez stupéfaits de l’originalité de Balzac, et vous reconnaîtrez en lui le peintre tout-puissant, — et unique, ou à peu près, — du premier âge, fiévreux et trouble, de notre société démocratique, quand elle était toute chargée encore et toute bouillonnante des éléments du passé. […] « … L’adultère est une de ces mixtures où les éléments s’associent quelquefois, mais ne se combinent jamais. L’élément que la femme apporte se compose d’un idéal renversé, d’une dignité faible, d’une morale élastique, d’une imagination troublée par les mauvaises conversations, les mauvaises lectures et les mauvais exemples, de la curiosité de la sensation, déguisée sous le nom de sentiment, de la soif du danger, du plaisir de la ruse, du besoin de la chute, du vertige d’en bas et de toutes les duplicités que nécessitent les circonstances. […] Combine, triture, alambique, décompose, précipite tous ces éléments, et, si tu y trouves un atome d’estime, un milligramme d’amour, une vapeur de dignité, je vais le dire à Rome sur les mains.
Aucun pays d’Europe ne saurait s’enorgueillir d’un poème primitif, ou relativement primitif, qui soit égal à la Chanson de Roland ; même les énormes épopées que nous léguèrent les âges immémoriaux du monde, ne contiennent rien de plus grand, ni les épopées plus parfaites de l’antiquité artiste — quelqu’un a pu dire, à peine paradoxalement, qu’Homère était un poète de la décadence — n’offrent rien de plus beau, de plus émouvant que certaines parties de la Geste attribuée à Thurold ; il faut convenir que presque toute la fin, depuis le retour de Charlemagne à Roncevaux, est dépourvue de sincère grandeur, s’abaisse en féerie d’après quelque vitrail d’église, n’émeut pas, ennuie ; mais quoi de plus admirable, quoi de plus auguste, avec familiarité cependant, quoi de plus touchant aussi que les laisses centrales du poème où combattent Roland, Olivier, Turpin, pour dame Dieu, pour Charles et pour la « doulce Frances », pour la chère Terre Majeure ; quoi de plus poignant que la mort des deux preux, leur mort « par amitié » ; et il est impossible qu’aucun être capable d’être ému par la beauté ne le soit jusqu’à des larmes de miséricorde et d’admiration, lorsque les plaines et les villes et le ciel et les éléments et toute la nature se troublent, se désolent, rompent les lois communes de leur existence et n’en ont d’autre cause que la « douleur pour la mort de Roland », de Roland qui devient ainsi, au calvaire rocheux de Roncevaux, comme un Jésus en armes, et semble crucifié sur la croix de Durandal pour la rédemption de la défaite de France. […] Elle engendrera prochainement, — fait de tous les éléments concentrés de notre race, — un mouvement littéraire qui ne ressemblera, tant il sera personnellement français dans sa multiplicité unifiée, à aucun moment de l’essor intellectuel d’aucune autre nation. […] Mais, croyez-le, elle n’est pas morte, la force de verbe et d’acte qui fut la Révolution et l’Empire, cette force faite de tous nos éléments nationaux unifiés en un seul peuple précipité ; seulement elle se transpose, elle ne s’exerce plus dans les assemblées ni sur les champs de bataille ; de l’éloquence politique, de l’exploit militaire, elle reflue en le for des âmes, en l’intimité de la pensée, en le mystère du rêve. […] Lequel de nous a dit que l’art poétique pouvait se passer de ses éléments principaux de force et de grandeur, et dans quel monde inconnu trouver un poète qui ne soit pas pétri d’humanité ?
Il y a donc deux systèmes d’éducation, savoir : L’éducation domestique qui suit l’enfant dans la maison paternelle ; elle a pour but de former l’homme pour la famille, et de l’instruire des éléments de la religion. […] D’accord avec son titre, il se renferme pour tout cela dans les éléments de la législation. […] Cet élément des fausses croyances une fois développé, on vit s’ouvrir la vaste carrière des superstitions humaines.
Ainsi, avec les éléments de génie qu’avait laissés la république, devait se former dans Rome une littérature élégante et majestueuse. […] Ses éléments étaient trop indestructibles ; ils ont été seulement déplacés, confondus, entremêlés de quelques termes barbares, à peu près comme ces débris des statues de Phidias, ces précieux bas-reliefs, ces fûts de colonnes, ces fragments de marbre et de granit, qui, après avoir décoré les temples des dieux, servent, dans cette même Grèce conquise et subjuguée, à étayer de grossiers ouvrages, et se sont conservés dans un bain turc ou dans le vestibule mal orné d’un pacha. […] Il y a donc chez ces hommes, naguère si opprimés, tous les éléments d’une société forte et éclairée. […] Les bêtes sont heureuses, car à l’instant où elles meurent, leurs âmes aussitôt se dissipent, et rentrent dans les éléments ; mais la mienne doit vivre encore, pour être tourmentée dans l’enfer. […] Sa rudesse inégale, ses grossièretés bizarres ne choquent pas une société qui se forme de tant d’éléments divers, qui ne connaît ni l’aristocratie ni les cours, et qui a plutôt les calculs et les armes de la civilisation, qu’elle n’en a la politesse et l’élégance.
Il formait ainsi un état d’esprit tempéré, très doux, très tolérant, assez libre, et où les éléments essentiels de notre esprit national se trouvaient à l’aise, et qui était certainement un des mieux accommodés au tempérament français qui aient jamais été. […] Aussi, de l’avoir envoyé là-bas « ne faut-il blâmer qui avait charge trop grande pour lui, mais ceux qui la lui baillèrent. » — Dans tout ce chapitre on voit le drôle au naturel, déconcerté hors de sa sphère, vite remis sur pied, et dans son élément inférieur reprenant ses avantages. […] Il était, de l’avis unanime, le plus grand poète de France ; il avait des amis chauds, des disciples ; il était chef d’école ; il avait des ennemis impuissants ; ce sont là de grands éléments de bonheur. […] … Le soleil ne luira sur la terre… Entre les éléments ne sera permutation aucune ; car l’un ne se reconnaîtra obligé à l’autre.
Shakespeare n’a voulu nous intéresser à l’événement de sa pièce que par rapport à Brutus, de même qu’il ne nous a présenté Brutus que par rapport à cet événement ; le fait qui fournit le sujet de la tragédie et le caractère qui l’accomplit, la mort de César et le caractère de Brutus, voilà l’union qui constitue l’œuvre dramatique de Shakespeare, comme l’union de l’âme et du corps constitue la vie, éléments également nécessaires l’un et l’autre à l’existence de l’individu. […] Il creuse sa tombe sur le rivage de l’Océan, appelle à ses funérailles toutes les grandes images du désert et fait servir les éléments à son mausolée. […] Richard n’a jamais imaginé qu’il fût ou pût être autre chose qu’un roi ; sa royauté fait à ses yeux partie de sa nature ; c’est un des éléments constitutifs de son être qu’il a apporté avec lui en naissant, sans autre condition que de vivre : comme il n’a rien à faire pour le conserver, il n’est pas plus en son pouvoir de cesser d’en être digne que de cesser d’en être revêtu : de là son ignorance de ses devoirs envers ses sujets, envers sa propre sûreté, son indolente confiance au milieu du danger.
Un prêtre de l’endroit, l’abbé Sanchini, lui enseigna les premiers éléments du latin ; quant au grec, l’apprenant dès l’âge de huit ans dans la grammaire dite de Padoue, l’enfant jugea cette grammaire insuffisante, et, décidé à s’en passer, il se mit à aborder directement les textes qu’il trouvait dans la bibliothèque de son père ; il lut ainsi sans maître, et bientôt avec une surprenante facilité, les auteurs ecclésiastiques, les saints Pères, tout ce que lui fournissait en ce genre cette très-riche bibliothèque domestique ; le premier débrouillement fait, il lut méthodiquement, par ordre chronologique, plume en main, et, de même que chez Pascal, avec qui on l’a comparé, le génie mathématique éclata comme par miracle ; ainsi le génie philologique se fit jour merveilleusement chez le jeune Leopardi ; il devint un véritable érudit à l’âge où les autres en sont encore à répéter sur les bancs la dictée du maître.
Le caractère de Saint-Ange, c’est le gros bon sens, près de Mascurat qui représente l’érudit rusé : « Tu m’emportes, lui dit à certain moment Saint-Ange, comme l’aigle fait la tortue, hors de mon élément ; revenons… » Et plus loin, lorsque Mascurat lui énumère complaisamment les grands génies de première classe, les douze preux de pédanterie : Archimède, Aristote, Euclide, Scot (Duns), Calculator, etc.
De quels éléments est-elle donc pétrie, cette grâce suprême et dernière qui n’a qu’un point et un moment ?
La douleur est un des éléments nécessaires de la faculté d’être heureux, et nous ne pouvons concevoir l’une sans l’autre.