Remouchamps, en une langue cadensée au rythme de sa pensée, nous dit les affres et les espoirs de son âme.
Paul Mariéton Une âme charmante, ingénieuse aussi, palpite dans les vers pleins de franchise et de simplicité qui composent ce livre (Au bord de la vie) portant un titre donné à l’auteur par Joséphin Soulary, dont le nom est inscrit au premier feuillet comme une invocation tutélaire au fronton d’un petit temple grec.
La grâce d’un bon nombre de traits n’est que dans le bégaiement de cette langue, et c’est une illusion de croire qu’une pensée est aussi près de l’âme que le mot qui l’exprime est près de sa source. […] L’attrait des âmes simples vers le faux dévot, c’est l’attrait des moutons vers le loup habillé en pasteur. […] Cette suite de malheurs qui forment sa vie, un père assassiné une mère charmante morte de douleur, une captivité de vingt-cinq ans dans les donjons de l’Angleterre, un double veuvage en neuf ans, par la mort de deux femmes qu’il aimait, tant de sujets de deuil n’ont pu tirer de son âme un couplet touchant. […] Son père est mort Dieu ait son âme ! […] Si prieray pour lui de bon cœur, · · Par l’âme du bon feu Cotard.
Ce problème n’est rien moins que celui de l’union de l’âme au corps. […] Comme il ne voit dans les qualités sensibles que des sensations, et dans les sensations elles-mêmes que des états d’âme, il ne trouve rien, dans les qualités diverses, qui puisse fonder le parallélisme de leurs phénomènes : force lui est donc bien d’expliquer ce parallélisme par une habitude, qui fait que les perceptions actuelles de la vue, par exemple, nous suggèrent des sensations possibles du toucher. […] Ces sensations se dégageraient de ces modifications comme des espèces de phosphorescences, ou bien encore elles traduiraient dans la langue de l’âme les manifestations de la matière ; mais pas plus dans un cas que dans l’autre elles ne refléteraient l’image de leurs causes. […] Conscience et matière, âme et corps entraient ainsi en contact dans la perception. […] Par là même s’éclaircit, dans une certaine mesure, la question vers laquelle toutes nos recherches convergent, celle de l’union de l’âme et du corps.
Daru fut de ceux, qui, à la force de corps et à la force de tête, montrèrent qu’ils savaient unir celle de l’âme ; mais lui-même, si de son dernier séjour il y met encore sa pensée, il ne voudrait point qu’en passant devant ces grands désastres et ces luttes dernières, on n’y entrât que pour se donner occasion de le louer. […] Douce puissance de l’étude qui ne permet de connaître ni le poids du temps, ni le vide de l’âme, ni les regrets d’une ambition vulgaire, et qui montre à l’homme une source plus pure, où il ne tient qu’à lui de puiser tout ce qui lui appartient de bonheur et de dignité ! […] Enfin, les revers, les chagrins sont venus ; peu de vies en sont exemptes : j’ai dû alors au goût et à l’habitude du travail les seuls remèdes que l’on puisse opposer soit au vide de l’âme qui suit souvent la perte du pouvoir, soit aux épreuves qui vous frappent dans la vie de ceux que l’on aime.
La Motte est sceptique ; c’est un esprit froid, fin, sagace, qui pratique la maxime de Fontenelle et se défendrait de l’enthousiasme s’il pouvait en être susceptible ; il n’a rien à faire de son loisir et de son esprit qu’à l’appliquer indifféremment à toutes sortes de sujets auxquels il s’amuse : « Hors quelques vérités, pense-t-il, dont l’évidence frappe également tous les hommes, tout le reste a diverses faces qu’un homme d’esprit sait exposer comme il lui plaît ; et il peut toujours montrer les choses d’un côté favorable au jugement qu’il veut qu’on en porte. » Il se flatte que la dispute présente est du nombre de celles qui se prêtent à plus d’une solution ; il affecte de la considérer comme plus frivole qu’elle n’est, qu’elle ne peut le paraître à ceux en qui la raison se rejoint au sentiment et qui mettent de leur âme dans ces choses de goût. […] « On eût dit, remarque Voltaire, que l’ouvrage de M. de La Motte était d’une femme d’esprit, et celui de Mme Dacier d’un homme savant… La Motte traduisit fort mal l’Iliade, mais il l’attaqua fort bien. » La Motte avait orné sa défense de toutes sortes de jolis mots et de maximes de bonne compagnie : Une douce dispute est l’âme de la conversation. — La diversité de sentiment est l’âme de la vie, et l’assaisonnement même de l’amitié. — Quand tout s’est dit de part et d’autre, la raison fait insensiblement son effet ; le goût se perfectionne, et il s’affermit alors, parce qu’il est fondé en principe. — Il faut que les disputes des gens de lettres ressemblent à ces conversations animées, où, après des avis différents et soutenus de part et d’autre avec toute la vivacité qui en fait le charme, on se sépare en s’embrassant, et souvent plus amis que si l’on avait été froidement d’accord.
Le malheureux combat d’Oudenarde, avec les circonstances qui l’accompagnèrent et qu’exploitèrent si bien en leur sens les amis de M. de Vendôme, fut un mortel échec à la réputation du duc de Bourgogne, et aussi un coup de poignard pour l’âme délicate et fière de Fénelon. […] Le long règne de Louis XIV avait tendu tous les ressorts et fatigué à la longue toutes les conditions et toutes les âmes. […] Ce pressentiment avant-coureur, cette sensation involontaire d’une âme qui est au terme de la route et qui arrive, perce, à n’en pas douter, dans les dernières lettres de Fénelon, et elle se communique par mille petits signes de joie au lecteur.
Ne pourrai-je aujourd’hui éveiller ces yeux spirituels et intérieurs, qui sont cachés bien avant au fond de votre âme, les détourner un moment de ces images vagues et changeantes que les sens impriment, et les accoutumer à porter la vue de la vérité toute pure ? […] que les éléments nous redemandent tout ce qu’ils nous prêtent, pourvu que Dieu puisse aussi nous redemander cette âme qu’il a faite à sa ressemblance. […] Quant au bonheur même dont il voudrait nous donner directement l’idée, bonheur tout spirituel et tout intérieur de l’âme dans l’autre vie, il le résume dans une expression qui termine tout un développement heureux, et il le définit : « la raison toujours attentive et toujours contente ».
L’abbé de Montesquiou, étant venu faire part d’un arrêté au nom de l’ordre du clergé, prononce un discours et loue le secrétaire de l’Assemblée, c’est-à-dire Bailly, comme l’ami des pauvres et l’écrivain des hôpitaux : J’ai promis, s’écrie Bailly, que mon âme serait ici toute nue, et en conséquence je dirai que cette justice qui me fut rendue inopinément au milieu de mes collègues, dans une si digne assemblée et par un autre ordre que le mien, me causa une vive et sensible émotion. […] Cependant d’autres motifs de céder et de se laisser faire se présentaient à lui, et sous la forme du devoir : c’est elle que prend volontiers l’amour-propre auprès de ces âmes modérées et scrupuleuses. […] Telle était l’âme de Bailly dès qu’elle retrouvait un moment de calme et de repos.
Ce premier tableau un peu grand, qui fut celui de Corinne, devenu plus tard L’Improvisateur, lui avait coûté bien de la peine ; ce devait être sa condition de faire et son élément : « D’ailleurs, disait-il, chacun a sa manière de jouir au monde : la mienne est de me donner beaucoup de peine, ce qui naturellement doit m’occuper beaucoup la tête, l’esprit et l’âme, avantage que j’ai toujours apprécié. » Malgré l’impression de sérieux et d’élévation que font à bon droit les œuvres de Léopold Robert et la lecture de ses lettres citées par M. […] Marcotte que cette âme d’élite, scrupuleuse, toujours inquiète du mieux et diversement souffrante, se montrera, se développera tout entière ; il semble qu’il y ait dans la familiarité de la camaraderie quelque chose qui lui aille moins qu’une certaine retenue extérieure compatible avec l’expression intime de la sensibilité. […] Mais, cher ami, ne soyez pas étonné, je vous prie, de ce que je vous dis ; il me semble que des idées élevées, tout en mettant dans l’âme de grands principes de bonheur, donnent aussi au talent quelque chose d’original et le sortent de l’ornière que l’on suit trop généralement.