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319. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Legrand, Marc (1865-1908) »

Charles Guérin J’estime l’Âme antique, parce que c’est un livre simple et de formes sereines ; il n’apaisera point ceux qui sont tristes, pas plus qu’il n’inquiétera ceux qui sont calmes, mais il flattera les esprits classiques qui aiment la nature vue à travers les bons auteurs.

320. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint Maur, Hector de (1808-1879) »

Il n’est pas plus éclectique que la harpe éolienne tendue aux vents dans les rameaux d’un amandier, et qui gérait d’un autre ton à tous les souffles passant à travers elle !

321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 393-394

in-12, avec les Productions frivoles de ce genre ; les siens offrent, à travers le voile d’une agréable fiction, une morale d’autant plus piquante, qu’elle est appuyée sur une connoissance profonde du monde, sur-tout de la Cour, & sont écrits avec une délicatesse & une correction qu’il est rare de rencontrer dans des Ouvrages plus sérieux.

322. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Notre conversation alla, pour ainsi dire, tout d’un trait de La Chênaie à Saint-Malo, et, nos six lieues faites, j’aurais voulu voir encore devant nous une longue ligne de chemin ; car vraiment la causerie est une de ces douces choses qu’on voudrait allonger toujours. » Il nous donne une idée de ces entretiens qui embrassaient le monde du cœur et celui de la nature, et qui couraient à travers la poésie, les tendres souvenirs, les espérances et toutes les aimables curiosités de la jeunesse. […] Un homme pieux et poète, une femme dont l’âme va si bien à la sienne qu’on dirait d’une seule âme, mais dédoublée ; une enfant qui s’appelle Marie, comme sa mère, et qui laisse, comme une étoile, percer les premiers rayons de son amour et de son intelligence à travers le nuage blanc de l’enfance ; une vie simple, dans une maison antique ; l’océan qui vient le matin et le soir nous apporter ses accords ; enfin un voyageur qui descend du carmel pour aller à Babylone, et qui a posé à la porte son bâton et ses sandales pour s’asseoir à la table hospitalière : voilà de quoi faire un poème biblique, si je savais écrire les choses comme je sais les éprouver. […] Dans une dernière promenade par une riante après-midi d’hiver sur ces falaises, le long de ce sentier qui tant de fois l’y avait conduit à travers les buis et les coudriers, il exhale ses adieux et emporte tout ce qu’il peut de l’âme des choses.

323. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Je note dans Émile quantités de pensées délicates et pures sur les femmes : « La femme qui vous aime n’est qu’une femme ; celle que nous aimons est un être céleste dont tous les défauts se cachent sous le prisme à travers lequel il vous apparaît. » Ou encore : « Une femme dont on est aimé est une vanité ; une femme que l’on aime est une religion : vous serez tout pour moi, existence, vanité, religion, bonheur, tout. » « Les femmes, qui sont si habiles en dissimulation, feignent plus adroitement que nous un sentiment qu’elles n’éprouvent pas ; mais elles cachent moins bien que les hommes une affection sincère et passionnée, parce qu’elles s’y adonnent davantage. » Sur le bienfait, qui produit des effets si différents selon la terre qui le reçoit, selon les cœurs sur lesquels il tombe : « Toutes les fois que le bienfait ne pénètre et ne touche pas le cœur, il blesse et irrite la vanité. » Sur le désabusement qui vient si tôt, qui devance les saisons, et qui n’est pas même en rapport avec la durée naturelle de la vie : « Il y a un certain âge dans la vie où l’exaltation n’est plus possible ; la sensibilité peut être assez profonde pour assister au spectacle de tant de maux et de tant de douleurs sans être entièrement usée, mais l’exaltation n’a jamais résisté à l’expérience du cœur humain. […] L’un avait le dégoût prompt et altier ; l’autre ne l’avait pas et suivait son idée à travers tout. […] Mais, à travers tout, les faits sociaux s’accomplissent ; les entraves devenues trop étroites se brisent ; les cercles s’élargissent à l’infini ; la publicité coule à pleins bords : si c’est l’inconnu, c’est aussi la vie et la condition de l’avenir.

324. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Aller en avant, marcher devant soi à travers la terre habitable était un désir à la fois et une nécessité. […] Déjà, du temps du roi Juba cité par Pline, il était dit que « le grand fleuve de la Libye, indigné de couler à travers des sables et des lieux immondes, se cachait l’espace de quelques journées » ; il se dérobait dans les sables. […] Ce cheik Othman, ami et promoteur de la civilisation, l’un de ces hommes qui, à travers toutes les distances de races et de croyances, permettent de penser que les hommes sont frères ou qu’ils le deviendront, disait à ses disciples à sa sortie des Tuileries : « Chacune des religions révélées peut élever la prétention d’être la meilleure : ainsi nous, musulmans, nous pouvons soutenir que le Coran est le complément de l’Évangile et de la Bible ; mais nous ne pouvons contester que Dieu ait réservé pour les chrétiens toutes les qualités physiques et morales avec lesquelles on fait les grands peuples et les grands gouvernements. » M. 

325. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Après quelques légers changements qu’elles firent exécuter, la distribution du bureau se présentait ainsi : la pièce, avec deux fenêtres, n’avait point d’entrée par la rue ; la porte extérieure était celle de l’ancienne allée, dont la cloison, du côté de la chambre, avait été à moitié abattue, et où l’on avait placé une grille de bois à travers laquelle se faisaient les échanges de lettres. […] Elle apporta le paquet entier des lettres restantes sur la petite tablette en dedans de la grille, et là tous deux penchés, dans leur inquiétude si diverse, suivaient une à une les adresses ; leurs têtes s’effleuraient presque à travers les barreaux ; mais, même ce jour-là, il n’eut pas l’idée de franchir la porte tout à côté pour chercher plus près d’elle, avec elle. […] ni muraille, ni cloison, ni grille de fer, mais une simple grille de bois comme ici, et entr’ouverte encore, et on regarde à travers, et on ne devine pas, et on meurt ou on laisse mourir !

326. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Enfin la langue vulgaire fait son apparition : et dès ce moment nous n’avons plus à nous occuper des drames latins liturgiques, qui subsisteront à travers le moyen âge, et dont les traces seront signalées jusqu’à nos jours. […] Un fragment de la Résurrection (xiie siècle), dans un curieux prologue, nomme treize « lieux et maisons », le ciel à un bout, l’enfer à l’autre, à travers lesquels se promènera l’action. […] Vous aurez une idée légère de l’inénarrable pièce où Adam le Bossu a jeté tout à la fois ses rancunes et ses observations, toute son individualité, et la vie de cette ardente commune picarde, et jusqu’aux superstitions légendaires qui, à côté de la religion, maintenaient une idée du surnaturel dans ces natures matérielles : outre le dessin de l’œuvre, outre la verve des scènes populaires, il y a des coins de vraie poésie, tendre ou fantaisiste, où l’on n’accède parfois qu’à travers d’étranges et plus que grossières trivialités.

327. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Son premier dessein, à travers ce vaste océan des choses passées, fut de saisir et de tracer une direction déterminée sans être pour cela étroit, et sans rien retrancher à la diversité de l’ensemble. […] À travers les interruptions et les intervalles, il y a ceci de commun entre le début de 1826 et la reprise de 1850, qu’il publiait alors cette Histoire comme une leçon donnée au temps présent, et que c’est encore à titre de leçon donnée à notre temps qu’il y revient aujourd’hui. […] Ne craignez pas de montrer ces misères à travers vos grands tableaux ; l’élévation ensuite s’y retrouvera.

328. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Et puis, si l’on va au fond, le public n’a pas été trompé sur un point capital : il n’a pas, je le crois, été assez frappé du talent, mais il a senti, à travers ce récit où tant de tons se croisent et se heurtent, une opiniâtre personnalité, une vanité persistante et amère qui, à la longue, devient presque un tic. […] Nous autres littérateurs, en entendant d’abord ces lectures, séduits par les beaux morceaux, nous n’avions pas été assez sensibles à ce défaut capital ; mais le public, moins attentif à la main-d’œuvre et aux détails, il ne s’y est pas trompé, et il n’a pas agréé l’homme à travers l’écrivain. […] À travers cette contradiction de mouvements, il se dessine lui-même et se trahit dans sa nature secrète, mais il se fait connaître par le côté où il s’y attendait le moins, et on ne lui en sait pas gré.

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