Il y passe un souffle ardent venu de l’Orient à travers la Bible. […] Aussi, comme cet autre qui criait à Diogène : — Je vois ton orgueil à travers les trous de ton manteau ! — je crierais volontiers : Je vois l’auteur à travers son masque d’impassibilité. […] Je ne parlerai point des passades banales qui égaient sa course à travers l’Europe ; j’imagine que tout général rencontrerait les pareilles dans ses souvenirs de sous-lieutenant. […] Et maintenant j’aurais fort à dire, si j’avais le loisir de discuter Schopenhauer à travers l’œuvre que j’ai analysée.
Là où Fléchier n’avait songé qu’à exercer sa plume et à badiner avec ses amis sur les singularités d’un voyage extraordinaire, il se trouve nous avoir ouvert un jour sur un coin de l’ancienne France qui, à travers ce style si poli, éclate d’autant plus brusquement à nos yeux. […] Il a introduit habilement et ménagé, à travers son récit, quatre ou cinq de ces entretiens développés, dans lesquels les personnes du lieu lui racontent, sur l’histoire et les événements du pays, ce qu’il n’a pu savoir directement de lui-même.
On se rappelle, dans les Mémoires de Silvio Pellico, le touchant roman ébauché avec cette Madeleine repentie, dont il n’entend que la voix et les cantiques à travers le mur ; mais le roman reste, pour ainsi dire, dans l’air, à l’état de fil de la Vierge, et flotte en pur rêve. […] Sa vieille amie, la comtesse de Lémos, lui avait dit : « Prenez-y garde, l’intrigue, quand elle complique, n’est plus un moyen, c’est une difficulté de plus. » Au moment de sa retraite et de son voyage à travers les belles campagnes qu’il n’a pas aperçues depuis si longtemps, et où se promène avec une ombre de sourire son regard éteint je salue une haute pensée : « Dans tous les malheurs qui nous arrivent, il se rencontre un moment douloureux qu’on doit se hâter de franchir : c’est comme un passage obscur et difficile, une sorte de portique entre le désespoir et la résignation.
On conçoit que le pauvre captif, emprisonné soit pour cause d’indiscrétion dans ses amours, soit pour cause d’égarement momentané et partiel de sa raison, servi et soigné par les frères ou par les sœurs de cet hospice, pourvu de livres et de papier, attablé devant cette fenêtre où les rayons de soleil passent à travers les pampres entrelacés aux barreaux et visité par sa belle imagination dans ses heures de calme, ait trouvé quelque consolation dans ce séjour où ses amis et même les étrangers venaient s’entretenir librement avec lui. […] Heureusement pour lui, le duc d’Urbin, qui estimait son caractère et son talent, apprit par hasard son passage à travers ses États ; il l’arrêta à Pesaro et lui donna l’hospitalité dans une maison de campagne située sur les collines qui entourent la ville, où les prairies, les bois, les eaux et la vue de la mer Adriatique, formaient un horizon inspirateur pour le poète fatigué des vicissitudes du sort.
La bourgeoisie, à travers les malheurs et les désordres du xive siècle, ne cessera de croître : et même déchue des espérances qu’elle aura pu concevoir un moment de dominer la royauté ou de s’en passer, elle restera puissante et considérée dans sa docilité soumise. […] Cependant, à travers la raideur gothique de leurs laisses monorimes, un sentiment plus noble anime le trouvère inconnu qui rime le Combat des Trente, et « le pauvre homme Cuvelier » qui dit la Vie de Bertrand du Gueselin : âmes sans fiel et sans haine, où commence à s’éveiller la conscience de la patrie.
N’est-il donc point au xve siècle de ces sentiments généraux, qui font courir à travers une société, du haut en bas, une commune aspiration à quelque idéale et hautaine manière d’être ou d’agir ? […] À travers une grêle de bouffonneries, de crudités, de goguenarderies, de calembours, de doctes réminiscences (car enfin il a ses grades et licentiam docendi), le joyeux compagnon lance l’inoubliable formule, où l’imagination entrevoit toute une vie, tout un monde.
M. de Vogüé nous dit que deux traits les distinguent de nos réalistes à nous : 1º « L’âme flottante des Russes dérive à travers toutes les philosophies et toutes les erreurs ; elle fait une station dans le nihilisme et le pessimisme : un lecteur superficiel pourrait parfois confondre Tolstoï et Flaubert. […] Que si nous les aimons précisément parce qu’elles sont très imparfaites, et parce qu’elles nous permettent de rêver autour d’elles et de créer ou d’achever nous-mêmes leur beauté à travers les traductions, sachons du moins que c’est à cause de cela que nous les aimons, et non pour une supériorité qu’elles n’eurent jamais… Je crois bien que je donne depuis quelques minutes dans le chauvinisme littéraire.
Dans tous est un écho de la mélodie du printemps, de la forêt, et si l’on veut repasser rapidement les différentes significations des motifs 1, 2, 3, 17, 35, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 79, pour le printemps et la forêt ; — 1, 2, 3, 5, 9, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26, 31, 35, 44, 45, 49, 50, 53, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 73, 74, 76, 77, 78 et 79, pour Walther ; — 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 18, 19, 23, 24, 25, 31, 33, 35, 44, 45, 48, 49 et 80, pour Eva ; — 1, 2, 4, 12, 13, 17, 26, 27, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 45, 63, 66, et 82, pour Sachs ; — 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, pour Nuremberg, son peuple et sa bourgeoisie ; — 20, 50, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 66, 68, 69, 78, pour les Maîtres et leur art ; On reconnaîtra nettement la circulation de ce même dessin mélodique à travers tout le drame musical ; la vie, l’organisation de cette idée réalisée dans une œuvre étonnante de génie ; l’art vivant s’imposant par la force même de sa fraîcheur, de sa naïveté, de sa « neuveté » dirai-je même, à un vieux poète populaire, à une jeune fille, à tout un peuple et à tout le vieux art des maîtres chanteurs : « Et antiquum documentum novo cedat ritui ! […] Et cette vie si puissante, participant du sentiment populaire et du sentiment féminin, cet art « pur simple » devenant le sauveur de l’art vieillissant, n’est-ce pas cette jeunesse que l’espèce, peuple et femme, doit rendre continuellement à notre vie vieillie par l’artificialisme, ne renaissant que par le naturalisme, à travers les cahots de l’évolution individuelle, sociale et sexuelle ?
Si tu ne peux, sans froide horreur, t’élancer dans l’avenir, à travers les flammes de ce bûcher ! […] Marguerite Gautier a gardé, sans doute, le charme irritant qui fit son prestige : mais ces quinze ans ont marqué sur elle ; on ne la voit plus à travers les premières larmes d’attendrissement qu’elle a fait répandre : ce voile magique est tombé.
Toutes les fables de La Fontaine, à en excepter quelques-unes, si vous voulez, comme la Vieille et les Deux Servantes, et lesfables de ce genre-là qui, du reste, sont des contes et non pas des fables, presque toutes les fables de La Fontaine sont des fables naturistes, c’est-à-dire des fables où il y a, à travers le récit, une échappée, une avenue rapidement ouverte sur quelques scènes, et, en général, sur quelques scènes charmantes de la nature. […] Si l’on accepte cette autre définition du romantisme, que je considère du reste comme radicalement fausse, si l’on accepte cette définition du romantisme que le romantisme c’est la prédominance de la littérature personnelle, si l’on dit que le romantisme c’est une littérature où le poète, où l’auteur quel qu’il soit, nous fait ses confidences, nous parle de lui, si l’on dit que le romantique est un monsieur qui parle toujours de lui, La Fontaine est plus romantique que jamais ; car il est, à travers tout le dix-septième siècle, l’un des deux hommes vous allez voir quel est l’autre l’un des deux hommes qui a le plus parlé de lui, qui s’est le plus versé, lui et ses sentiments domestiques, vous l’avez vu, conjugaux ou extra-conjugaux, qui s’est le plus versé dans ses œuvres.