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870. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

La conception en était poétique et touchante, mais cherchez-la, cherchez-en seulement la trace, dans cette exorbitante, dans cette intolérable description qui bouche la vue lointaine de cette conception jusqu’au dénoûment, et qui y apparaît pour immédiatement disparaître ! […] L’écrivain y décrit jusqu’aux paysages des pays qui ne seront point le théâtre de son roman, et par lesquels ses personnages passent pour n’y revenir jamais… Avec cette charrette, trop minutieusement décrite, de bateleurs ambulants qu’on a vue déjà rouler dans L’Homme qui rit ; avec ces Hercules et ces pitres de foire, bohémiens très chers à la littérature bohème de ce temps, et dont on n’oublie ni le moindre haillon, ni le moindre paillon, les Zemganno ressemblent à beaucoup des anciens feuilletons de Théophile Gautier. […] Il y a les détails du métier cherchés, appris, notés, sous la dictée des clowns ou des acrobates avec qui on s’est mis en rapport en vue d’un livre à faire et de son exhibition immédiate ; manière facile d’acquérir une érudition qui reste indigérée, et plus superficielle encore que facile de pénétrer des mœurs qu’il s’agirait de bien comprendre pour les exprimer. […] C’était, on doit en convenir, pour ceux qui n’accordent pas de divination au talent ni de seconde vue au génie, d’une incontestable difficulté.

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