Par principe de prudence, comme par principe d’humilité, elle affecta de se rapetisser et de s’effacer au milieu de tant de grandeurs ; les calamités de toutes sortes, qui affligeaient la France et la famille de Louis XIV, lui inspirèrent un découragement trop naturel pour ne pas être vrai, qu’il entrait dans ses vues et ses manières d’exagérer encore. Il est curieux de la voir, dans cette correspondance, protester à tout propos contre l’idée qu’on pouvait avoir de son crédit : « Je ne suis qu’une particulière assez peu importante ; je ne sais pas les affaires, on ne veut point que je m’en mêle, et je ne veux point m’en mêler. » Tantôt elle se compare avec pruderie à une ingénue de quinze ans : « Je suis un peu comme Agnès, je crois ce qu’on me dit, et ne creuse pas davantage. » Tantôt elle se vieillit avec une complaisance qui fait sourire : « Si vous me voyiez, madame, vous conviendriez, que je fais bien de me cacher : je ne vois presque plus ; j’entends encore plus mal ; on ne m’entend plus, parce que ma prononciation s’en est allée avec mes dents, la mémoire commence à s’égarer ; je ne me souviens plus des noms propres, je confonds tous les temps, et nos malheurs joints à mon âge me font pleurer comme toutes les vieilles que vous avez vues. » Sans croire tout à fait à ce renoncement absolu au monde, on est pourtant forcé de reconnaître qu’il y a dans ce langage de madame de Maintenon plus de manie que d’hypocrisie, et qu’à force de se faire, en paroles, insignifiante et inactive, elle l’était sur la fin réellement devenue. […] En général, madame de Maintenon ne s’élève pas au-dessus des détails, et même, dans ses plus grands chagrins, ne les perd pas de vue. […] D’un tact consommé dans la société, ses vues ne s’élargirent pas avec sa fortune ; elle eut moins d’hypocrisie que de petitesse, et elle est moins haïssable pour ses fautes que le gouvernement absolu qui les permit.