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968. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

« Il arrivera que les peuples, les vrais peuples, ceux qui ont l’orgueil de leur indépendance, la vertu de leur patriotisme, le zèle sacré de leur famille, de leur propriété, de leur gouvernement, monarchie ou république, commenceront à s’étonner, puis à s’alarmer, puis à s’irriter de cette invasion de la France, et à se demander si la liberté apportée à la pointe des baïonnettes ou des piques étrangères est bien la liberté ou la servitude. […] Si ce principe de l’unité de civilisation chrétienne par les armes sur tout le globe était vrai en Asie et en Afrique, il serait vrai, sans doute, en Europe ; s’il était vrai contre les peuples qui ne sont pas chrétiens, il serait vrai contre les peuples qui ne sont pas orthodoxes ; la guerre et l’extermination seraient de droit divin entre les catholiques et les schismatiques ; un symbole de foi serait inscrit sur tous les drapeaux opposés des cultes qui se partagent le continent ; les catholiques ne reconnaîtraient que des catholiques pour nationalités légitimes et indépendantes, les grecs que des grecs, les anglicans que des anglicans, les luthériens que des luthériens, les calvinistes que des calvinistes ; Russes, Prussiens, Anglais, Irlandais, Hollandais, Belges, Français, Espagnols, Italiens, seraient dans un antagonisme permanent et universel ; la terre ne serait qu’une sanguinaire anarchie au nom du ciel. […] S’il n’est pas principe partout, il n’est principe nulle part ; s’il est faux ici, il n’est pas vrai là ; s’il est absurde en Angleterre et en France, il ne peut être absolu nulle part ; ce n’est plus un principe, c’est une convenance, une utilité peut-être, une fantaisie ici, un sophisme là, un intérêt ailleurs, un mensonge partout. […] Ce qui est vrai est vrai partout.

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