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914. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

comment s’y prendre, si l’on veut ne rien omettre d’important et d’essentiel à son sujet, si l’on veut sortir des jugements de l’ancienne rhétorique, être le moins dupe possible des phrases, des mots ; des beaux sentiments convenus, et atteindre au vrai comme dans une étude naturelle ? […] C’est sa vraie date originelle. […] Mais fussions-nous un peu primés, ne désirons jamais qu’un homme de notre génération tombe et disparaisse, même quand ce serait un rival et quand il passerait pour un ennemi ; car si nous avons une vraie valeur, c’est encore lui qui, au besoin et à l’occasion, avertira les nouvelles générations ignorantes et les jeunes insolents, qu’ils ont affaire en nous à un vieil athlète qu’on ne saurait mépriser et qu’il ne faut point traiter à la légère son amour-propre à lui-même y est intéressé : il s’est mesuré avec nous dans le bon temps, il nous a connus dans nos meilleurs jours. […] Ces appellations vraies et nécessaires, ces qualifications décisives ne sont cependant pas toujours si aisées à trouver, et bien souvent elles ne se présentent d’elles-mêmes qu’à un moment plus ou moins avancé de l’étude. […] Mais il importe de discerner pour chaque auteur célèbre son vrai public naturel, et de séparer ce noyau original qui porte la marque du maître, d’avec le public banal et la foule des admirateurs vulgaires qui vont répétant ce que dit le voisin.

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