Il faut dire, il est vrai, que si le Français est né vaudevilliste, il est né aussi galantin, et que là où une prétention d’homme serait châtiée par le coup de fouet de l’éclat de rire, une prétention de femme, surtout lorsque cette femme est belle, est admise toujours. […] Et aux yeux de la Critique elle-même, aux yeux de la Critique qui vient trente ans après faire tomber de son doigt glacé la poudre rose, or et argent qui saupoudre encore ce que Delphine Gay a écrit, pour voir le vrai de ce qui est tracé sous cette poussière étincelante, ce moment est aussi le meilleur de sa pensée, et ce moment de Delphine Gay, Mme de Girardin a pu le regretter sans cesse, car elle ne le retrouva jamais ! […] Et elle est vraie… comme une épitaphe, mais comme une épitaphe écrite par un homme qui n’a pas la vulgarité hardie des faiseurs anonymes d’épitaphes, lesquels se soucient bien de l’opinion des promeneurs du Père-Lachaise. […] L’émotion vraie éclate, casse les cordes de la vieille harpe, et les bras veufs survivent dans le naturel de leur beauté ! […] On trouve, en effet, dans ce poème, un mélange de cœur blessé et de mélancolie railleuse, de l’esprit du monde et de révolte contre lui, qui n’a pas, il est vrai, la fierté de la poésie du terrible, cousin que Mme de Girardin se donnait par ce poème, mais qui la compense par la grâce chaste d’une femme se souvenant encore qu’elle est femme, comme après ce poëme elle a pu l’oublier.