Voisine de Swift en Irlande, habitant sa maison pendant les voyages qu’il faisait chaque année en Angleterre, elle le voyait sans cesse, mais toujours en présence d’une Madame Dingley, qui ne servait qu’imparfaitement à couvrir ce que cette situation avait de défavorable aux yeux du public. […] « Quiconque, disait-il, voyage dans ce pays et y considère l’aspect de la nature, l’aspect, l’extérieur et les habitations des hommes, ne se croira pas dans une contrée où la loi, la religion, où la plus vulgaire humanité soient respectées. » L’imprimeur de cet écrit fut accusé. […] Après l’universelle clameur de l’Irlande, personne n’avait osé comparaître pour une pareille cause, quoique le gouvernement offrît les frais du voyage et les indemnités des témoins. […] « Il y a environ dix jours, écrivait Gay à Swift, le 17 novembre 1726, fut publié ici un livre sur les voyages d’un certain Gulliver, qui depuis fait l’entretien de toute la ville ; toute l’édition fut vendue en une semaine, et rien n’est plus divertissant que d’entendre les opinions différentes de tout le monde sur ce livre, que tout le monde cependant s’accorde à goûter au dernier point. […] La politique, rabaissée dans le voyage de Lilliput aux débats d’une fourmilière, disparaît devant la calme sagesse des habitants de Brobdingnag et de ce roi philosophe qui, prenant dans sa main et caressant doucement le panégyriste éloquent des institutions et des mœurs de l’Angleterre, lui dit, sans émotion, que d’après ses propres peintures, « la plupart de ses compatriotes sont la plus pernicieuse vermine à qui la nature ait jamais permis de ramper sur la surface de la terre ».