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540. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Le vrai Joseph Delorme ne commence qu’à la quinzième pièce du volume (et il y en a cinquante-six en tout) ; il ne se révèle pour la première fois que dans celle-là que le poète a intitulée Bonheur champêtre, et dans laquelle pourtant le vieux lyrisme du moment, jeune alors, mais connu, usé, poncif à présent, et qui retentissait en métaphores sur la lyre des Hugo et des Lamartine, couvre encore la voix neuve, la note unique qui, tout à coup, çà et là, y vibre : Lorsqu’un peu de loisir me rend à la campagne Et qu’un beau soir d’automne, à travers champs, je gagne Les grands bois jaunissants, etc., etc. […] … Eh bien, elle est dans toutes les pièces qu’il fallait laisser seules pour que ce volume eût toute sa concentration et la profondeur navrante de son charme ; elle est dans une trentaine de véritables chefs-d’œuvre d’étrangeté, mais d’étrangeté sincère, cette poésie malade de l’isolement, du découragement, de réchignement, de la méfiance, de l’empoisonnement par la méfiance de tous les sentiments de la vie ! […] Laissera-t-on celle préface dans l’édition du volume qu’on prépare ? […] Sainte-Beuve n’eût pas écrit des vers pareils, et presque tout un volume, car ils embarrassent terriblement l’admiration qu’il a souvent excitée en moi et que je voudrais lui continuer toujours.

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