Mais aussitôt qu’il fut mort, l’Angleterre et la France recueillirent avec un engouement passionné ses moindres reliques en vers et en prose. « Donnez-nous du Saint-Évremond, disaient les éditeurs aux auteurs, nous vous payerons ces grâces sans poids au poids de l’or. » Cinq volumes multipliés par d’innombrables éditions suffirent à peine à l’empressement de son siècle. […] Mes mains tombèrent par hasard sur ces cinq volumes poudreux de Saint-Évremond, dans une vieille bibliothèque de famille, chez un de mes oncles, curieux de reliques d’esprit. […] Il y a surtout dans ces volumes une conversation réelle ou imaginaire sur les plus graves sujets de la philosophie traduits en comique et assaisonnés du rire inextinguible d’Homère. […] Il m’est arrivé souvent, en fermant avec humeur le volume de Don Juan de Byron, les facéties presque toujours sacrilèges de Heine, et quelquefois les poésies trop juvéniles et trop rabelaisiennes de Musset, il m’est arrivé, dis-je, de comparer l’impression que j’avais reçue dans ces volumes léthifères à une Morgue de la pensée où l’on va, pour les reconnaître, contempler avec répugnance et dégoût les choses mortes et décomposées du cœur humain ! […] La tristesse venait avec les années, et avec la tristesse venait la véritable poésie, celle de son second volume, celle surtout de ses Nuits que nous vous ferons admirer tout à l’heure sans réserve.