II Moi-même, n’ayant à cette époque d’autre littérature et d’autre opinion que l’opinion et la littérature banales, j’achetai à Paris, chez le grand Didot, la fameuse édition en douze volumes des déclamations classiques, appelées tragédies, une édition aussi de la vie amoureuse d’Alfieri, et je m’obstinai à m’en nourrir pendant trois ou quatre ans comme d’un évangile tragique, malgré le mortel ennui que je prenais candidement alors pour un effet du génie. […] » III Je m’empressai de croire tout cela, et, pendant deux ans du plus prétentieux des ennuis, je n’ouvris pas d’autre livre que mes douze volumes d’Alfieri. […] Je ne l’ai pas connu personnellement, lui, mais j’ai connu très intimement ses parents ; son neveu, homme distingué, président du sénat à Turin ; ses commensaux de tous les soirs à Florence ; la comtesse d’Albany, son idole ; sa chambre, vide à peine ; sa bibliothèque, pleine encore de volumes grecs ouverts sur sa table. […] L’hiver arriva, et, me trouvant alors à Turin, un jour que je passais mes livres en revue, j’ouvris par hasard un volume du théâtre de Voltaire, où le premier mot qui s’offrit à moi ce fut : Oreste, tragédie.