Quand il parle, il a toujours l’épithète peinte, le tour original de la pensée, mais pour parler, pour formuler ses paradoxes, on sent dans sa parole plus lente, dans le cramponnement de son attention après le fil et la logique de son idée, on sent une application, une tension, une dépense de volonté qui n’existaient pas dans le jaillissement spontané, et comme irréfléchi et irraisonné de son verbe d’autrefois. Vous avez vu des vieillards à la vue fatiguée, qui, pour regarder, soulèvent avec effort leurs lourdes paupières, eh bien, Théo, pour parler, a besoin d’un effort physique semblable de tout le bas du visage, et tout ce qui sort maintenant de lui, semble être arraché, par de la volonté douloureuse, à l’engourdissement d’un état comateux. […] C’est ce qu’il faut dans ce moment, avec du talent, et presque un nom, pour gagner sa vie : « Il le faut, répète-t-il, et ne croyez pas que j’aie de la volonté, je suis de ma nature l’être le plus faible et le moins capable d’entraînement. La volonté est remplacée chez moi par l’idée fixe, qui me rendrait malade, si je n’obéissais pas à son obsession. » Tout en taillant une pièce, dans Thérèse Raquin, il est, dans le moment, en train de chercher un roman sur les Halles, tenté de peindre le plantureux de ce monde.