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303. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce ; sans doute, au sens propre du mot, il n’y a pas plus de spontanéité dans la création artistique et intellectuelle qu’il n’y en a dans la génération physique ; tous les phénomènes sont les effets nécessaires d’une combinaison de causes ; mais puisque, chez l’homme en particulier, ces causes et combinaisons infiniment variées nous échappent, nous pouvons fort bien en pratique parler de spontanéité, pour opposer, au processus certain des quelques éléments que le chimiste combine dans une cornue, le mystère de l’âme humaine qui tend à la liberté par un effort de volonté consciente. […] L’importance des chœurs, le petit nombre des personnages, leur dialogue antithétique, leur qualité sociale, l’usage même du vers, tout cela s’explique, non point par un libre choix de la volonté, mais par la genèse de la tragédie. […] L’histoire, dit-il, donnait la vraisemblance aux aventures extraordinaires du théâtre cornélien ; en outre, « si l’histoire n’est que le spectacle du conflit des volontés entre elles, ou du combat de la volonté contre la force des choses, voilà pourquoi l’histoire est devenue naturellement l’inspiratrice d’un théâtre fondé tout entier, comme celui de Corneille, sur la croyance au pouvoir de la volonté55 ». […] Puisque le drame est par définition un conflit fatal (de deux volontés, ou d’une volonté avec les choses, ou d’un caractère avec une situation), il est évident que le conflit sera d’autant plus dramatique qu’il sera mieux débarrassé des circonstances accessoires, des hasards, de tout ce qui ne le montre pas directement en action57.

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