/ 1953
1902. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Voyez Cimon et les autres : « Le peuple, dont Cimon prenait soin, ne lui fit-il pas subir la peine de l’ostracisme afin d’être dix ans entiers sans entendre sa voix ? […] Ne comptez donc pas que nous vous laissions entrer chez nous sans nulle résistance, dresser votre théâtre sur la place publique et introduire sur la scène des acteurs doués d’une belle voix qui parleront plus haut que nous ; ni que nous souffrions que vous adressiez la parole en public à nos enfants, à nos femmes, à tout le peuple, et que sur les mêmes objets vous leur débitiez des maximes qui, bien loin d’être les nôtres, leur seront presque toujours entièrement opposées. […] « Lorsqu’on dira devant nous que Dieu, qui est bon, a causé du mal à quelqu’un, nous nous y opposerons de toutes nos forces… Notre première loi et notre première règle touchant les dieux sera d’obliger nos citoyens à reconnaître, soit de vive voix, soit dans leurs écrits, que Dieu n’est pas auteur de toutes choses, mais seulement des bonnes. » Tel est ce qu’on appellera, si l’on veut, le Manichéisme de Platon. […] Car réaliser une chose belle, c’est entendre la voix du Dieu de l’esthétique, de Phoibos, si l’on veut ; mais réaliser soi-même beau, se réaliser en beauté, ce n’est plus entendre cette voix, c’est l’avoir soi-même ; ce n’est plus une « réminiscence », c’est une création ; ou, si l’on veut, c’est encore bien une réminiscence, mais comme c’est une union directe, pour ainsi dire, avec l’idée de perfection, c’est une réminiscence le temps supprimé, c’est une réminiscence hors de la condition du temps, ce qui revient à dire que c’est une création, une invention dans toute la pureté de la chose que désigne ce mot.

/ 1953