Est-il possible de penser à Valentine sans se reporter à cette scène enchanteresse où son âme, vaguement impatiente d’amour, en pressent le mystérieux appel dans la campagne déserte, qu’elle traverse seule, le soir de la fête, au pas négligent de son cheval, quand tout à coup, aux murmures de l’eau voisine et de la brise qui s’élève, vient se joindre une voix pure, un chant jeune et vibrant ? […] C’est qu’en effet la nature nous écrase de son silence et de sa grandeur quand la voix de l’homme ne vient pas l’émouvoir, quand ses muettes harmonies n’expriment pas une âme imaginaire que la nôtre conçoit et interprète. […] C’est là l’œuvre de l’artiste, qui n’invente pas, à proprement parler, mais qui ajoute à la réalité humaine la conscience, par laquelle elle s’aperçoit, et la voix, par laquelle elle se rend compte d’elle-même en se traduisant aux autres. […] Aussi ses épaules, qui sont magnifiques… Sa voix est mate et voilée, sans aucun timbre sonore, mais douce et agréable… Elle brille peu par sa conversation. […] C’était la voix puissante d’un talent mûri ; les conseils de sa vieillesse à l’impatiente jeunesse de ses solliciteurs confinaient à la plus haute morale : « L’art est une chose sacrée, s’écriait-elle, un calice qu’il ne faut aborder qu’après le jeûne et la prière.