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32. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Je l’indiquerai plus loin, le premier se fie avant tout à sa propre impulsion, le second se préoccupe infiniment plus de l’harmonie ; celui-ci s’arrête plus aux proportions lumineuses, à l’équilibre des tons, — non pas d’une façon purement objective, pourtant ; celui-là doue les choses d’un coloris personnel et vivant. […] Moréas et Gustave Kahn, mais riche et sapide autant qu’elles, sa vivante variété eût, je crois, séduit le grand Théophile Gautier : Le pays était plantureux et riche en vins, Gai du soleil qui dans la mer se mire Et le port Était vivant matin et soir, De la foule bigarrée ; Toute l’heure de marée Était de bon espoir, D’accueils, d’adieux : Il entrait des navires de tous les horizons, De Carthage, de Rome et d’Orient Et du Nord et de l’Ouest mystérieux ; Il partait des vaisseaux vers tous les cieux — Avec leurs voiles claires, comme en riant. […] La Poésie n’est ni la musique, ni la sculpture, ni la peinture, ni l’architecture, ni la morale ; mais qu’elle soit philosophique par son idéale portée, que l’ordonnance la montre architecturale, que ses images la colorent et la dessinent, que par ses rythmes et ses harmonies elle atteigne la musique — et que, musique, philosophie, peinture et dessin, elle soit en même temps tout cela, car elle se nourrit de tous les arts et de toute la pensée, comme elle les pénètre elle-même de son vivant effluve. […] Supposons qu’une fantaisie du goût eût, pendant des années, contenu le ballet dans l’immobilité du « tableau vivant », par exemple. […] Vielé-Griffin regarde plus immédiatement autour de lui ; sans la copier, en la résumant par des traits significatifs, c’est dans la vivante nature qu’il trouve les formes de ses symboles et les paysages dont elles s’environnent.

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