/ 1907
399. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Le port de la ville est pris ; on se prépare à livrer l’assaut, à escalader les murailles. […] Et tous se précipitèrent, ceux des moindres vaisseaux sautèrent au rivage, et ceux des grands vaisseaux se jetèrent dans les barques, et tous abordaient à l’envi, à qui mieux mieux… La ville impériale ne fut pas prise ce jour-là ; mais l’action du vieux doge subsiste dans toute sa grandeur. […] Daru, que cette quatrième croisade n’eut guère pour résultat définitif que d’agrandir la suprématie maritime de Venise : « Le reste de l’Europe y perdit beaucoup de vaillants hommes et de monuments précieux, et n’y gagna que l’introduction de la culture du millet, dont le marquis de Montferrat envoya des graines en Italie. » S’il était vrai que la prise de Constantinople par les croisés et le sac de cette ville eussent fait périr, comme il est trop probable, des monuments de l’ancienne littérature grecque qui avaient échappé précédemment, il faudrait, nous les lettrés et les disciples des doctes, le déplorer avec regret, avec amertume : mais vouloir que toute une époque soit heureuse de la manière dont nous l’entendons, et que les chevaliers du siècle de Villehardouin conçoivent l’emploi de leurs facultés et de leur temps comme les hommes de cabinet de nos jours, c’est demander beaucoup trop.

/ 1907