Une autre preuve peut-être que Boileau, qui parfois a si bien compris et rendu le Traite du sublime de Longin, avait trop peu étudié le sublime dans Pindare et n’admirait pas assez le génie de ce grand poëte, c’est qu’il a cru de bonne foi l’avoir imité, dans son ode sur la prise de Namur, ville trop tôt reprise par le roi Guillaume, et ode parodiée alors si plaisamment par le poëte anglais Prior, chargé plus tard d’une ambassade à la cour de France, où Fénelon goûtait beaucoup son entretien, et où Boileau a dû le rencontrer quelquefois. […] Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] Veut-il, par une singulière fantaisie, imiter, en l’honneur du duc de Vendôme, cette ode si élégante, si pure à la divinité favorite des Hellènes, aux Grâces, que Pindare invoquait, au nom d’un jeune vainqueur à la course, enfant de la belliqueuse ville d’Orchomène, où elles avaient un temple, Lamotte n’approche pas plus cette fois du tour noble et léger et de la dignité sereine du poëte, qu’il n’en avait ailleurs atteint la sublime grandeur. […] Il aime Lacédémone, d’où sa famille était issue ; il aime cette ville où règnent, dit-il, « la sagesse des vieillards et les lances des jeunes hommes, et les chœurs harmonieux, et la muse et la douce allégresse20 ». […] Mais Théron, vainqueur à la course des chars, il faut le proclamer équitable, hospitalier, rempart d’Agrigente, sage ordonnateur des villes, fleur d’une tige d’aïeux honorés.