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457. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Écoutons bien plutôt celle qui est un présent éternel, qui ne varie pas, la Nature. » Dix siècles d’anémie cérébrale, c’est-à-dire de spiritualisme chrétien, ont empêché la plante humaine de pousser des rameaux vigoureux dans l’espace, l’ont contrainte aux maigres efflorescences dénuées de couleurs vives. […] Elle est dans l’énergie humaine ; elle y fermente ; elle a hâte de s’épancher en œuvres vives. […] Figurez-vous un homme aux formes athlétiques, au visage splendide, rempli de séduction et de bonté, se promenant dans les rues, vêtu comme un ouvrier, causant familièrement avec tous, riant, interrogeant ou consolant, aimé de tous pour sa douce majesté, sa cordialité et son humeur joyeuse ; qui se baigne et ensuite se promène nu dans l’herbe humide au soleil, déclarant que « peut-être celui ou celle à qui la libre et exaltante extase de la nudité en pleine nature n’a pas été révélée, n’a-t-il jamais connu le sentiment de la pureté, ni ce que la foi, l’art ou la santé sont dans leur essence » ; parcourant la campagne ou soignant les blessés de la guerre civile ; prêchant l’exaltation de toutes les forces vives de l’individu, et allant vers tous, homme ou femme, les mains tendues, un cordial sourire aux lèvres ; en un mot, réalisant dans sa complète acception, encore insoupçonnée, l’homme de la Démocratie américaine, ou plutôt de la Démocratie universelle. […] Elle obéit certes (et dans ce cas l’ordre est aisé à accomplir, il est rempli presque machinalement) ; mais croyez-vous qu’elle adhère intimement et réellement à l’ordre donné d’une voix brève, sans commentaire, qu’elle ressente personnellement la nécessité et l’intérêt de l’acte accompli, qu’elle le vive pour ainsi dire comme s’il émanait de sa propre personne ?

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