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1340. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Les romans qu’il recherche, en effet, sont aussi gros que lui et doivent être bourrés de ces événements matériels assez faciles à inventer, — qui sont dans la vie comme ils pourraient bien n’y pas être, — mais qui plaisent à cette curiosité badaude qui n’a rien de commun, du reste, avec l’ardente ou délicate curiosité de l’imagination et du cœur. […] Selon nous, c’est une raison de plus pour que son livre ait l’art et la vie. […] Louise est l’histoire d’un amour venu à Paris dans les circonstances assez ordinaires de la vie qu’on y mène, partagé d’ailleurs, filant dans le bleu sans obstacle, heureux d’un bonheur complet et au seul endroit où il soit complet : à la campagne ; puis se brisant tout à coup, comme un verre éclate. […] Quel est donc le secret de cette physionomie étrange pour un homme d’autant d’acier que son sabre, innocent, héroïque, détaché de la vie comme d’une garnison où il n’y a pas d’adieux à faire, et qui, malgré son historien, moins naïf que lui à coup sûr, n’a cependant pas la gaîté, — la gaîté si connue et si légendaire du soldat français ? […] Jean Gigon, qui n’avait jamais eu la prière pour s’élever de la vie, avait eu quelquefois l’ivresse du vin pour y échapper, et en mourant il avait recommandé qu’on l’enterrât la tête sur une bouteille de ce vin qui lui avait réjoui parfois son grand cœur isolé.

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