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280. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

voilà ma postérité. » Trop de vertu, trop de sensibilité en pratique et en action autour de nous, nuirait-il donc au talent et au génie, à ce serviteur et à cet esclave de son art, qui ne doit être ni distrait ni partagé ? […] N’ayant pas reçu de bonne heure toute l’éducation qu’il aurait fallu, s’étant refusé par vertu, par scrupule, par esprit étroit de bourgeoisie, toute celle même qui était à sa portée, l’expérience de Versailles et de la Cour, celle des femmes et des grands seigneurs, et plus tard le spectacle de l’ambition la plus gigantesque dans le sein du plus grand héros moderne, il avait pourtant des débris, des fragments de poète pathétique et terrible. […] Turgot est au pouvoir, la vertu respire ; « les gens de bien, cette graine timide qui n’ose se montrer, peuvent maintenant sortir de terre, prendre racine et porter des fruits. » Toute cette école vertueuse et cordiale, les Sedaine, les Thomas, les Ducis, les de Belloy, se croient presque sur leur terrain à Versailles : on les voit d’ici se réjouir et se féliciter. […] C’est la vraie retraite d’un sauvage ; vous pourrez aller cacher là vos vertus, comme un malfaiteur y cacherait ses crimes. » C’était près de la source de la rivière des Gobelins, dans le voisinage de larges étangs, au bord d’un vallon tortueux « qui se plonge dans un site lugubre pour s’ouvrir ensuite sous un horizon assez étendu et très agréable. » Cela s’appelait du joli nom de Dame-Marie-les-Lis. […] Ces triomphes obscurs et journaliers sont plus méritoires que les grandes vertus, où l’on est soutenu par l’importance de la victoire et l’étendue même du sacrifice ; ces triomphes, mon ami, sont dignes de vous. » De loin, il cherche à le distraire en lui donnant des nouvelles du théâtre, des succès ou des chutes, — de l’arrivée de Voltaire, fêté, couronné, visité, qui vient de se rompre un petit vaisseau dans la poitrine et qui va succomber à son triomphe : « Bon Dieu !

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