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1111. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

L’amour-propre est si peu le principe du mal moral qu’on a pu donner de la vertu cette définition purement égoïste : « La vertu est le sacrifice d’un intérêt immédiat et passager à l’intérêt supérieur et durable de l’être moral qui est en nous. » Il y a, dit excellemment Prévost-Paradol, une façon basse et étroite de s’aimer qu’on appelle le vice, et une façon intelligente, courageuse et presque divine de s’aimer qui s’appelle la vertu, et voilà la double source des actions humaines. […] Certes, M. de Montyon est plus célèbre non seulement que tous les lauréats du prix de vertu sans exception, mais encore, à bien peu d’exceptions près, que tous les lauréats du prix de littérature. […] Une abnégation de cette force, si elle existe, n’est possible que par la vertu d’une religion nouvelle, le culte de l’humanité. […] La simple passion de vivre, quelque naturelle et légitime qu’elle soit, ne saurait avoir la vertu d’un véritable idéal. […] » Cette vertu morale, la religion chrétienne, tout affaiblie qu’elle est, toute dégénérée, continue si bien à la posséder seule qu’elle semble devoir la garder indéfiniment.

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