Un jour que son amie Berthe Vadier entendait lire Amiel (il lisait fort bien), elle lui dit : « Il semble, à vous voir pénétrer toutes les intentions, que vous ayez assisté à la création du monde. » Et en avril 1879, comme il venait de lire pendant deux heures à Fanny Mercier des pages tirées de son journal de l’année, à une heure où elle était accablée, elle sortit de cette lecture toute épanouie et fortifiée. […] Cette pension, il vient de la vendre, exténué par la maladie à laquelle il succombera un an plus tard. […] Tous deux venaient de mourir, et leurs places vides devenaient un appel d’air pour la génération montante. […] À partir du moment où l’auteur du Journal intime, qu’il vient de commencer à Berlin, se fixe à Genève, sa vie se répète, n’avance pas, et n’offrirait que le pain le plus sec à un professionnel de la biographie romanesque. […] Le 18 mars, fin du semestre académique, Berthe Vadier, drapée en Muse antique, récitait, dans le salon de la rue Verdaine, des vers au professeur qui venait de terminer son cours sur la philosophie grecque.