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526. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

II n’aurait pas été juste que la curiosité littéraire qui se reporte en tous sens vers le passé, et qui ne laisse aucun nom d’autrefois dans la négligence et dans l’oubli, n’arrivât point jusqu’à Voiture, cette renommée longtemps réputée la plus charmante ; son moment devait revenir, et il est venu. […] Mais si l’on doit regarder les États comme immortels, y considérer les commodités à venir comme présentes, comptons combien cet homme, que l’on a dit qui a ruiné la France, lui a épargné de millions par la seule prise de La Rochelle, laquelle d’ici à deux mille ans, dans toutes les minorités des rois, dans tous les mécontentements des grands et toutes les occasions de révoltes, n’eut pas manqué de se rebeller et nous eût obligés à une éternelle dépense. […] Mais on conçoit très bien cette supériorité de M. d’Avaux sur son ami ; les esprits sérieux et nourris de choses solides, s’ils viennent à se détendre, l’emportent sur les esprits légers qui ont passé leur vie à voltiger sur des pointes d’aiguilles et à enfler des bulles de savon. […] Le prince de Condé disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Si Voiture était venu un siècle plus tard, on ne peut trop dire ce qu’il aurait fait, et de quel côté se serait tournée cette vocation décidée de réussir et de plaire. […] Qu’aurait été Voiture venu au xviiie  siècle, et à qui eût-il ressemblé ?

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