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2272. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Voyez Almont, sa fortune est restreinte, mais jamais un être malheureux ne s’est adressé à lui sans que, dans cet instant, il ne se soit trouvé les moyens de venir à son aide, sans que, du moins, un secours momentané n’ait épargné à celui qui prie, le regret d’avoir imploré en vain ; il n’a point de crédit, mais on l’estime, mais son courage est connu ; il ne parle jamais que pour l’intérêt d’un autre ; il a toujours une ressource à présenter à l’infortune, et il fait plus pour elle que le ministre le plus puissant, parce qu’il y consacre sa pensée tout entière. […] Si vous rencontrez Almont, quand votre âme est découragée, sa vive attention à vos discours vous persuade que vous êtes dans une situation qui captive l’intérêt, tandis que, fatigué de votre peine, vous étiez convaincu, avant de le voir, de l’ennui qu’elle devait causer aux autres ; vous ne l’écouterez jamais sans que son attendrissement pour vos chagrins, ne vous rende l’émotion dont votre âme desséchée était devenue incapable ; enfin, vous ne causerez point avec lui, sans qu’il ne vous offre un motif de courage, et qu’ôtant à votre douleur ce qu’elle a de fixe, il n’occupe votre imagination par un différent point de vue, par une nouvelle manière de considérer votre destinée ; on peut agir sur soi par la raison, mais c’est d’un autre que vient l’espérance.

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