L’usage des premiers peut faciliter jusqu’à un certain point l’étude des langues mortes ; et à l’égard des autres, ils ne serviraient, si on s’y bornait, qu’à apprendre très imparfaitement la langue : l’étude des bons auteurs dans cette langue, et le commerce de ceux qui la parlent bien, sont le seul moyen d’y faire de véritables et solides progrès. […] Mais, dira-t-on, si l’éloquence véritable et proprement dite a si peu besoin des règles de l’élocution, si elle ne doit avoir d’autre expression que celle qui est dictée par la nature, pourquoi donc les anciens dans leurs écrits sur l’éloquence ont-ils traité si à fond de l’élocution ? […] C’est en quoi consiste la véritable éloquence, et même en général le vrai talent d’écrire, et non dans un style qui déguise par un vain coloris des idées communes. […] à mettre, comme nous l’avons dit, chaque idée à sa véritable place, à ne point omettre d’idées intermédiaires, trop difficiles à suppléer, à rendre enfin chaque idée par le terme propre : par ce moyen on évitera toute répétition et toute circonlocution, et le style aura le rare avantage d’être concis sans être fatigant, et développé sans être lâche. […] On peut juger de là combien est opposée à l’éloquence véritable, cette loquacité si ordinaire au barreau, qui consiste à dire si peu de choses avec tant de paroles.