On peut se demander, en effet, si les plaisirs qui semblent à Platon et à Aristote le plus purs de tout mélange avec la peine n’enveloppent pas encore, comme éléments, des peines infinitésimales et « imperceptibles », rudiments de la douleur véritable et « aiguillons du désir ». […] La continuation et l’amas de ces demi-plaisirs, « comme dans la continuation de l’impulsion d’un corps pesant qui descend et acquiert de l’impétuosité », devient enfin un plaisir entier et véritable. […] C’est que, dans cette région peu spécialisée, les écarts à partir de l’état neutre dans la direction du plaisir sont trop légers pour produire une véritable jouissance : il faut, pour y obtenir un agrément positif, une divergence marquée à partir de la ligne neutre. […] S’il y a réel accroissement de plaisir, c’est qu’il y a excédent véritable, à moins d’admettre que je ne sois forcé de faire croître aussi la peine pour augmenter la jouissance consécutive. […] La jouissance « pure et véritable », qui n’est pas seulement un « remède à la douleur », apparaît ainsi comme l’activité débordante, qui se sent libre enfin des obstacles, supérieure à ce qui était strictement nécessaire pour la satisfaction du besoin ; elle n’est plus une simple balance, mais un profit et, comme nous croyons l’avoir montré, un surcroît.