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489. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Quand la première édition parut, les amours-propres blessés poussèrent un cri si aigu que nous nous imaginions trouver en cette Correspondance beaucoup de ces vérités malicieuses qui sont innocentes lorsqu’elles sont spirituelles, mais que les douillets de la sottise appellent des méchancetés, pour s’en plaindre et pour s’en venger. […] Il manquait de métaphysique, cette chose nécessaire et pourtant vaine, sans laquelle on n’est jamais un grand génie, et avec laquelle, si elle est seule, on n’arrive jamais à la vérité ! […] Sa prétention est de les écrire avec un tour d’imagination des plus rares et qui fait fleurir la poésie jusque dans le giron austère de la Vérité, et cette prétention a sa racine peut-être dans une ambition légitime ; car, esprit intermédiaire bien plus que primaire, il peut engrener, l’un dans l’autre, deux ordres de faits différents, — les faits de l’imagination et ceux de la mémoire exacte, — et il a ce style poético-scientifique ou scientifico-poétique, comme on voudra, dans lequel l’abstrait et le concret se balancent, mais pour s’énerver tous les deux ! […] Ces lettres sont, à la vérité, moins des lettres que des billets et que des notes écrites au courant de la plume, mais telles qu’elles sont, — et voilà encore une différence à marquer entre la vigoureuse commère du globe et la petite commère jaseuse des salons de Berlin qui, à elles deux, faisaient Humboldt ! 

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