Il domine la nature, qui n’est ni la force immense qui échappe à nos prises et reste indifférente à nos malheurs, ni l’être universel dans lequel l’individu veut se dissoudre. […] Dans ses vers, les murmures de l’air, les frissons des arbres, les plaintes de la mer, s’unissent à la voix des êtres vivants, pour ne former qu’un seul hymne où s’entrelacent tous les frémissements de la vie universelle (Alastor, v. 13 et suivants). […] Les poètes du Nord voudraient se fondre dans la nature, et retourner ainsi à l’être universel. […] Ayant chassé ceux qu’il aimait, et jusqu’à son disciple préféré, seul, il se jette dans le cratère de l’Etna pour que l’esprit universel l’accueille et le dissolve, se sacrifiant ainsi au désir d’abolir le Moi, de délivrer la partie substantielle de l’être du caractère individuel qui la déforme, et de se fondre dans la divinité. […] Il nous paraît, au contraire, que chez ses plus hauts représentants, l’âme française a gardé ses qualités traditionnelles : goût obstiné de la composition et de l’ordre, clarté, netteté ; modération au moins relative ; prompte reprise après les abandons ; raison toujours vigilante ; conscience des problèmes moraux, et de la responsabilité de l’écrivain qui les traite ; habitude de s’adresser non pas à des êtres d’exception, mais à l’être moyen, à l’être universel.