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716. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il ne s’échauffe guère que vers cinq heures, quand il s’est mis au travail à midi… Il ne peut écrire sur du papier blanc, ayant besoin de le couvrir d’idées, à l’instar d’un peintre qui place sur sa toile ses premiers tons… Soudain, comptant le petit nombre de gens qui s’intéressent aux choix d’une épithète, au rythme d’une phrase, au bien fait d’une chose, il s’écrie : « Comprenez-vous l’imbécillité de travailler à ôter les assonances d’une ligne ou les répétitions d’une page ? […] C’est tout ce que je demande. » Puis il ajoute sur une note mélancolique : « Après tout, le travail, c’est encore le meilleur moyen d’escamoter la vie !  […] Nous avons cette fébrilité qui vous chasse de votre chez soi et vous pousse dans la rue… Et à la fin de la journée, nous sommes au boulevard du Temple, dans le cabinet de travail de Flaubert, dont le milieu de cheminée est un Boudha. […] Pour attraper l’heure du bal, nous l’emmenons voir Léotard, et, après le Cirque, nous allons prendre un grog dans un café des boulevards, où il nous parle avec une admiration enthousiaste des travaux de Biot, de ses livres de mathématiques où il n’y a pas de figures. […] Il n’y a plus de bras pour les travaux de la terre.

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