Non ; il reste une dernière partie du travail, non la moins nécessaire et la moins délicate, mais dont on se dispense souvent, parce qu’elle est moins matériellement indispensable, parce qu’on est las de l’activité dépensée, parce que ce travail est minutieux, ennuyeux, parce que l’on n’est plus soutenu par le plaisir d’inventer, de créer, et qu’enfin l’œuvre étant si avancée, vivant par elle-même, l’auteur s’en détache et n’y prend plus le même intérêt. Cependant, si fastidieux qu’il soit d’insister encore, et de repasser par toute la route déjà faite, la perfection est à ce prix : il faut reprendre son travail phrase par phrase, mot par mot, juger l’ensemble et scruter le détail, pour redresser tout ce qui serait mal venu, et y apporter la correction nécessaire. […] Quand la prévention qu’on ne saurait manquer d’avoir pour ce qu’on fait, au moment où on le fait, est passée, quand la joie de produire, qui aveugle si facilement l’amour-propre, est apaisée, et qu’on peut regarder son travail avec le même détachement qu’on ferait celui d’un étranger, alors on peut se faire avec fruit le critique de soi-même : le moment est venu de corriger son œuvre.