Son travail, nous l’osons dire, est complet. […] Dans ce dernier ouvrage, Geoffroy n’a pas justifié tout ce qu’on attendait de lui ; son caractère indolent et paresseux ne lui permettait pas de porter son attention sur un long travail : doué d’une mémoire extraordinaire, d’un esprit vif et caustique, il n’écrivait jamais mieux qu’en cédant à l’impression du moment ; il remplissait spontanément des petites feuilles de papier, et faisait son travail avec tant de précipitation, que lorsqu’il écrivait la seconde feuille il ne possédait plus la première. […] C’est très injustement que le commentateur de Corneille lui reproche d’avoir comparé le sieur de Montauron à Auguste : Corneille dit seulement que ce financier a voulu en quelque sorte imiter la générosité de ce grand empereur, en étendant ses bienfaits sur les gens de lettres, en un temps où beaucoup pensent avoir trop récompensé leurs travaux quand ils les ont honorés d’une louange stérile . […] « On ne peut s’empêcher, dit-il, de plaindre Corneille et son siècle et les beaux-arts, quand on voit ce grand homme, négligé à la cour, comparer le sieur Montauron à Auguste. » Peut-être peut-on plaindre la cour d’avoir négligé ce grand homme, l’ornement de la France et du siècle ; mais il ne faut pas plaindre Corneille de n’avoir eu ni château ni palais, de n’avoir pas vu son habitation consacrée par des pèlerinages, comme le temple de la Mecque ; il faut, au contraire, le féliciter de sa noble et glorieuse pauvreté il n’a ni dégradé ses talents ; ni corrompu son pays ; il n’a point fait secte ; des fanatiques ne l’ont point déshonoré par une apothéose extravagante ; il est mort avec la réputation d’un honnête homme, d’un homme vertueux, bien supérieure à celle d’un grand poète ; les beaux-arts et son siècle ne peuvent que s’applaudir des travaux et du génie d’un écrivain qui ne fut ni intéressé, ni ambitieux, ni intrigant, qui ne fut avide que de gloire, et qui a laissé des chefs-d’œuvre plus précieux que les cinquante mille écus de rente amassés par Voltaire pour ses héritiers.