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287. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon. […] L’autre trait que Marmont aimait à citer au duc de Reichstadt, et que d’autres encore ont entendu de sa bouche, est plus remarquable. […] Quoi qu’il en soit, Marmont citait ces deux traits au fils de l’Empereur comme preuve d’une sensibilité première subsistante avant l’excès de la politique et des combats. […] Se rappelant la conversation qu’il avait eue avec Napoléon avant Leipzig, à Düben, le 11 octobre 1813, et que les événements subséquents avaient gravée en traits brûlants dans son souvenir, le maréchal fut très frappé de ce qu’il croyait une coïncidence fortuite ; mais, comme il en parlait à une personne de la Cour, il sut que le jeune prince avait été informé par elle de cette conversation de Napoléon et des traces qu’elle avait laissées dans le cœur du maréchal.

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