Beau vers, qu’il s’applaudissait beaucoup d’avoir fait, dit un de ses biographes, moins sans doute pour le mérite du vers que pour la justesse du trait ; moins en poète charmé de son art qu’en homme sincère qui se peint tel qu’il est. […] Beau type de poète, surtout si l’on songe que Boileau en avait pris les traits dans sa propre vie, et qu’il se donnait lui-même en exemple à des poètes pour lesquels chacun de ces traits était un reproche. […] Neuf satires, dont quatre exclusivement littéraires, et les autres semées de traits contre les poètes contemporains, des préfaces agressives, des ouvrages satiriques en prose133, des apologies de la satire, remplissent ces huit années, qui conduisent Boileau de la jeunesse à l’entrée de l’âge mûr134. […] L’idée d’un dialogue avec son jardinier a pu lui venir d’Horace disant, lui aussi, à son fermier : « Disputons qui de nous deux saura le plus bravement arracher les épines, moi de mon esprit, toi de ton champ, et lequel vaut le mieux d’Horace ou de sa chose166. » Mais le sentiment est différent : ce qui n’est dans Horace qu’un agréable trait de douce et oisive philosophie, dans Boileau est un vœu ardent de s’amender, avec l’inquiétude chrétienne de n’y pas réussir. […] Aussi est-il d’une injustice puérile de juger Boileau sur ce qu’il n’a pas voulu dire, et de lui opposer une sorte d’idéal formé de traits empruntés à tous les grands poètes de toutes les nations.