Cela s’est déjà passé de la sorte aux autres époques de civilisation raffinée ; et du moment que la poésie, cessant d’être la voix naïve des races errantes, l’oracle de la jeunesse des peuples, a formé un art ingénieux et difficile, dont un goût particulier, un tour délicat et senti, une inspiration mêlée d’étude, ont fait quelque chose d’entièrement distinct, il a été bien naturel et presque inévitable que les hommes voués à ce rare et précieux métier se recherchassent, voulussent s’essayer entre eux et se dédommager d’avance d’une popularité lointaine, désormais fort douteuse à obtenir, par une appréciation réciproque, attentive et complaisante. […] Quand les soirées littéraires entre poëtes ont pris une tournure régulière, qu’on les renouvelle fréquemment, qu’on les dispose avec artifice, et qu’il n’est bruit de tous côtés que de ces intérieurs délicieux, beaucoup veulent en être ; les visiteurs assidus, les auditeurs littéraires se glissent ; les rimeurs qu’on tolère, parce qu’ils imitent et qu’ils admirent, récitent à leur tour et applaudissent d’autant plus.