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424. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Charron fait consciencieusement son devoir comme controversiste, comme prédicateur ; il amasse ses preuves, il fait servir sa philosophie comme une espèce de machine ou de tour pour battre en brèche la place ennemie : puis, quand il estime que la brèche est suffisante, il ordonne et fait avancer ses preuves directes ; mais tout cela sans feu, sans flamme ; on sent toujours l’homme qui a dit : « Au reste, il faut bien savoir distinguer et séparer nous-mêmes d’avec nos charges publiques : un chacun de nous joue deux rôles et deux personnages, l’un étranger et apparent, l’autre propre et essentiel. […] Il faut l’entendre parler, quand il est chez lui et non plus dans la chaire, de ceux à qui, par crainte et faiblesse, le cœur fait mal, étant sur une haute tour et regardant en bas. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne.

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