Sainte-Beuve n’a pas laissé de Mémoires, il n’avait pas le temps d’en faire, mais les traits répandus à profusion dans ses Écrits, et qui touchent à sa physionomie de près, formeraient un Recueil qui deviendrait aisément un volume de Mémoires. Il n’en restera pas moins dans l’Histoire littéraire une lacune que lui seul, qui aimait tant l’exactitude, aurait pu combler, et l’on n’ose y toucher après lui, même quand on l’a bien connu, parce que la palette intime de l’écrivain, celle qui rendrait le mieux le ton et les nuances de ses sentiments et de son caractère, a été brisée. […] « Quant à la question de savoir si Charles-Augustin avait quelque degré de parenté avec le docteur Jacques de Sainte-Beuve du xviie siècle, ce point a été touché dans la dernière édition de Port-Royal, donnée en 1867 (au tome IV, page 564). […] Nous lisions les nouveaux livres tout haut en récréation : on ne se figure plus aujourd’hui, on ne peut plus se figurer quel enthousiasme, quel transport ce fut pour les premiers vers de Lamartine parmi ceux de notre âge ; nous tous qui voulions faire des vers, nous fûmes touchés ; nous ressentions là le contrecoup d’une révélation ; un soleil nouveau nous arrivait et nous réchauffait déjà de ses rayons… » — Et me transportant moi-même, aujourd’hui, de ces souvenirs d’un passé qui me revient par bribes des conversations de M. […] Sainte-Beuve chez sa mère, ce qui ne laissait pas de la troubler un peu : sans cesse préoccupée sur le sort et l’avenir de son fils, en bonne et simple bourgeoise qu’elle était, vivant dans la retraite, ayant connu dans son enfance des temps orageux et terribles, elle redoutait qu’il ne fût entraîné trop loin par une relation trop chevaleresque. — Et ce que toutes les mères et les pères aussi qui s’intéressent à la carrière d’un fils, lancé dans cette voie épineuse des Lettres, comprendront, elle ne crut véritablement le sien sauvé que le jour où il fut reçu de l’Académie française. — Je retrouve à l’instant même une lettre qui avait beaucoup touché M.