/ 2483
2479. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Si, par ces artistes, ne s’épanouit point la vraie âme poétique de France, si même aucun d’entre eux ne reçut le don d’exprimer des émotions personnelles ni d’être touché immédiatement par les choses de la nature, (ils aimaient d’après Tibulle et Pétrarque, et ils traduisaient les paysages comme la tendresse), du moins ils défendirent victorieusement notre langue française, notre vulgaire, contre l’imbécile emploi de la langue grecque ou latine par les docteurs et les pédants. […] Donc Alphonse de Lamartine a eu raison de dire : « Je suis le premier qui ait fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ait donné à ce qu’on nommait la Muse, au lieu d’une lyre à sept cordes de conventionnés fibres mêmes du cœur de l’homme, touchées et émues par les innombrables frissons de la nature. » Il fallait, je pense, citer cette phrase, car, en même temps que la plus vraie et la plus haute définition de la poésie lamartinienne, elle en est comme l’exemple par l’élévation du sentiment, par la pompe et la faiblesse du style, par l’incohérence et la beauté pourtant de l’image. […] Il y a cette redoutable netteté de notre langue, il y a cette terrible précision de la langue française, qui ne s’oppose pas au rêve, mais qui exige que ce rêve ait touché terre avant de s’élancer en plein ciel.

/ 2483