/ 2714
991. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Deux forces réunies dans des proportions inégales, le génie et la tradition, ont tiré l’esprit français de cette décadence précoce où l’acheminait doucement, du pas dont il marchait lui-même au dernier terme, Fontenelle, profitant de l’interrègne du génie pour établir le spécieux empire du bel esprit. […] Il en est un pourtant qu’il y aurait ingratitude à ne pas nommer après Rollin, avant Vauvenargues, et qu’on a quelque scrupule à tirer de l’ombre où il a voulu rester caché ; c’est Duguet, l’auteur de l’Œuvre des six jours et de l’Institution d’un prince. […] « Peu à peu, dit-il, les matières molles dont les éminences étaient d’abord composées ont fait ces énormes amas de rochers et de cailloux d’où l’on tire le cristal et les pierres précieuses… Toutes sont posées par lits… Les plus pesantes sont dans les argiles et dans les pierres, et elles sont remplies de la matière même des pierres et des terres où elles sont renfermées ; preuve incontestable qu’elles ont été transportées avec la matière qui les environne et qui les remplit… » Ainsi, Buffon crée ce qu’il suppose ; il assiste à ce qu’il prévoit, et ses raisonnements sont comme une suite de tableaux qui se déroulent sous ses yeux, plutôt attentifs à des faits qui s’accomplissent qu’éblouis par une vision. […] Le Traité des études ne laisse rien à inventer dans l’art de tirer l’éducation de l’instruction. […] De ce mélange de maximes empruntées aux anciens ou tirées de son fonds, s’est formé comme le miel de ce doux livre, qui a fait dire à Montesquieu parlant de Rollin : « C’est l’abeille de la France. » Mot charmant et profond, où l’on sent à la fois l’affection et le jugement, vraie saillie de cœur à propos d’un homme dont le cœur est tout le génie.

/ 2714