Marivaux n’a pas seulement un talent fin et une rare fertilité d’idées qu’il rend avec imprévu, il a la théorie de son talent et il sait le pourquoi de sa nouveauté ; car, de tous les hommes, Marivaux est celui qui cherche le plus à se rendre compte. […] Il a écrit des feuilles périodiques, des journaux imités d’Addison pour la forme, mais remplis d’idées neuves, déliées, et de vues ingénieuses : son Spectateur français (1722), son Indigent philosophe (1728), son Cabinet du philosophe, contiennent, au milieu d’anecdotes morales, sa théorie sur toutes choses. […] Remarquez que c’est encore à l’occasion de La Motte que Marivaux établit cette théorie négative des grands hommes. […] Marivaux a, sur les portraits, une théorie comme sur tout ; il est d’avis qu’on ne saurait jamais rendre en entier ce que sont les personnes : Du moins, cela ne me serait pas possible, nous dit-il par la bouche de Marianne ; je connais bien mieux les gens avec qui je vis que je ne les définirais ; il y a des choses en eux que je ne saisis point assez pour les dire, et que je n’aperçois que pour moi et non pas pour les autres… N’êtes-vous pas de même ?