Dans une salle de théâtre, les acteurs ne sont pas les seuls à jouer la pièce ; les spectateurs aussi là jouent pour ainsi dire intérieurement : leurs nerfs vibrent à l’unisson, et lorsque le principal héros épouse à la fin de la pièce quelque amante adorée, on peut dire que toute la salle ressent un peu de son bonheur. […] « L’art est condamné, dit aussi M. de Hartmann, à n’être pour l’âge mûr de l’humanité que ce que sont le soir, pour les petits boursiers de Berlin, les farces des théâtres de notre capitale. » Dans les raisonnements de ce genre, on oublie trop que le peuple a eu de tout temps comme de nos jours son art inférieur à lui, ses « farces », ses contes qui le charmaient à l’égal de certains romans contemporains. Parce que le peuple moderne aime ses théâtres plus ou moins grossiers, ses chansons gauloises, sa musique aux refrains sautillants, ses romans de cour d’assises, on dit que l’art s’abaisse ; au contraire, de la farce au vaudeville, il y a quelque progrès ; les paroles et la musique d’opérette sont encore de l’esprit « mis en gros sous » ; enfin les romans judiciaires sont le pendant des histoires de brigands qu’on se racontait jadis au coin du feu et qui défrayent encore l’imagination des Napolitains ou des Siciliens. […] La prose a accaparé la succession de la poésie épique et didactique ; peu s’en faut qu’elle n’ait pris déjà pleine possession du théâtre ; c’est elle qui a fait le roman moderne. […] La rime, dit-il, se révèle par une sorte de coup de théâtre « surnaturel et inexplicable ».