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385. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

C’est, selon moi, l’apogée de la parole humaine ; on est à la fois, dans ce dialogue, sur la terre par le cœur, dans la mort par l’anticipation du supplice, dans l’immortalité par l’esprit ; toujours prêt à pleurer d’enthousiasme pour les idées : mais l’admiration pour le philosophe y sèche toujours les larmes au bord des yeux. […] « Soyez donc mes cautions auprès de Criton, et, comme il a répondu pour moi aux juges que je ne m’en irais pas, vous, au contraire, répondez pour moi que, dès que je serai mort, je m’en irai, afin que le pauvre Criton prenne les choses plus doucement, et qu’en voyant brûler mon corps ou le mettre en terre, il ne s’afflige pas sur moi. Il ne doit pas dire à mes funérailles que c’est Socrate qu’il expose, qu’il emporte, qu’il ensevelit dans la terre : car il faut que tu saches, mon cher Criton, que parler ainsi improprement, ce n’est pas seulement une faute envers les choses, c’est aussi un mal que l’on fait aux âmes. Il faut avoir plus de courage, et dire que c’est le corps de Socrate seulement que tu couvres de terre. […] D’ailleurs, sa théorie, infiniment plausible, d’une hiérarchie de puissances célestes, d’une échelle incessante d’êtres, agents de la divinité créatrice, dans les astres, dans les éléments, sur la terre, sur les âmes, cette théorie n’était nullement en contradiction avec le Dieu exclusif et souverain que sa raison découvrait et adorait au-dessus de toutes ces divinités d’emprunt.

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