Un groupe ment aux autres groupes, voisins, alliés, rivaux ou ennemis, soit pour se les concilier et les retenir dans son amitié, soit pour les intimider et les tenir en respect, soit pour justifier ses entreprises contre eux (prétextes humanitaires dont on colore les expéditions coloniales, etc.). […] Celui qui croit ne se rend pas compte de sa croyance et il ne tient pas outre mesure à se rendre compte de sa croyance. […] En chacun de ceux, ou du moins chez certains de ceux qui sont les représentants d’une pensée de groupe, une dissociation doit forcément se produire à de certains moments entre l’être social qui pense sous la loi du groupe et l’individu indépendant qui a conservé en partie ou qui recouvre momentanément sa liberté de jugement et se moque au fond de lui-même de l’opinion qu’il se croit tenu d’afficher en tant qu’être social. […] Qui, parmi ceux du groupe, n’accepte pas cette solidarité, qui n’attache pas l’importance qu’il faut aux qualités ou caractères possédés en commun est tenu pour félon et exposé à l’hostilité de tous les autres. — Et ici encore certes, il faut faire la part de l’illusion sincère : mais aussi celle du mensonge de groupe est évidente. […] Ceux d’entre eux qui acceptent les idées admises dans leur groupe savent la plupart du temps à quoi s’en tenir sur la valeur de ces idées.