C’est seulement chez le vivant, animal ou plante, qu’on peut surprendre ce grand fait, qui est aussi le fait social par excellence : à savoir le développement lent et continu, l’expansion d’une force intime qui se fait à mesure ses organes, et tend vers un but qui est la réalisation d’une forme déterminée ; mais n’allons pas confondre l’analogie avec l’identité ! […] Sans contraindre l’agent libre, elle impose à son activité l’obligation de tendre vers un idéal qui est le bien. […] Elle est pour l’humanité l’obligation, sourdement sentie d’abord comme un besoin, acceptée plus tard librement comme une dignité et un devoir, de tendre dans toutes les directions vers un idéal de beauté, de vérité, de bonheur, de perfection. […] C’est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ; à nous d’en recueillir, d’en concentrer, d’en fortifier les rayons ; à nous de nous faire une raison capable de l’apercevoir de plus en plus distincte et pure, une volonté qui y tende avec une grandissante énergie : à nous par conséquent, à cette force intelligente et libre que développe en nous la pratique du devoir et qui seule est véritablement nous-mêmes, d’accomplir l’œuvre sacrée du progrès. […] Qu’on explique cette magnifique ascension de la nature par un obscur pressentiment d’une perfection vers laquelle tendent toutes ses démarches, ou que l’on substitue à cette hypothèse, en partie métaphysique, il faut l’avouer, le jeu des influences extérieures, la concurrence vitale, la sélection sexuelle5, le résultat n’est pas sensiblement différent.