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695. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Ma physionomie en fut modifiée ; la légèreté un peu évaporée de l’enfance y fit place à une gravité tendre et douce, à cette concentration méditative du regard et des traits qui donne l’unité et le sens moral au visage. […] Et mon cœur à l’étroit battait dans ma poitrine, Et mes larmes tombaient d’une source divine, Et je prêtais l’oreille, et je tendais les bras, Et comme un insensé je marchais à grands pas, Et je croyais saisir dans l’ombre du nuage L’ombre de Jéhovah qui passait dans l’orage, Et je croyais dans l’air entendre en longs échos Sa voix, que la tempête emportait au chaos ; Et de joie et d’amour noyé par chaque pore, Pour mieux voir la nature et mieux m’y fondre encore, J’aurais voulu trouver une âme et des accents, Et pour d’autres transports me créer d’autres sens. […] Ceux d’entre vous qui préfèrent, à cause de leur âge plus tendre, les promenades et les jeux de cette belle matinée à des délassements d’esprit peuvent se retirer ; les autres resteront librement avec moi pour jouir d’autres plaisirs. » La foule s’élança dans les jardins avec des cris de joie qui se confondirent avec les gazouillements des oiseaux libres des charmilles ; huit ou dix adolescents des plus âgés ou des plus lettrés restèrent, retenus par la confiance qu’ils avaient dans le goût délicat du maître et par leur attrait déjà prononcé pour les plaisirs d’esprit. […] quelle tendre mélodie ! […] III Avant qu’il eût parlé, tu lisais sa requête ; Tu levas tes deux bras, anses de ton beau corps ; Tu descendis la cruche au niveau de sa tête, Et du vase incliné tu lui tendis les bords.

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