Joubert fut en son temps le type le plus délicat et le plus original de cette classe d’honnêtes gens, comme l’ancienne société seule en produisait, spectateurs, écouteurs sans ambition, sans envie, curieux, vacants, attentifs, désintéressés et prenant intérêt à tout, le véritable amateur des belles choses. […] De tout temps, même de bonne heure, il eut du tact ; le goût ne lui vint qu’ensuite. […] Plus le genre dans lequel on écrit tient au caractère de l’homme, aux mœurs du temps, plus le style doit s’écarter de celui des écrivains qui n’ont été modèles que pour avoir excellé à montrer, dans leurs ouvrages, ou les mœurs de leur époque ou leur propre caractère. […] Malgré toutes ses religions de l’antique et ses regrets du passé, on distingue aussitôt en lui le cachet du temps où il vit. […] Un philosophe de ce temps-ci, homme d’infiniment d’esprit lui-même, a coutume de distinguer ainsi trois sortes d’esprits : Les premiers, à la fois puissants et délicats, qui excellent comme ils l’entendent, exécutent ce qu’ils conçoivent, et atteignent le grand et le vrai beau ; une rare élite entre les mortels !