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2015. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

1837 On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de poésie populaire ; on en a remis en honneur le règne et la floraison, trop oubliés jusqu’alors, et qui avaient orné un certain âge adolescent de la vie des nations ; on est même allé jusqu’à se figurer un temps privilégié où la poésie circulait comme dans l’air, où chacun plus ou moins y participait, et où l’œuvre admirée se formait du génie de tous. Ce qu’il y a de vrai dans cette perspective de lointain ne saurait faire qu’en tout temps, même aux âges le plus naïvement poétiques, la poésie, telle qu’elle s’y réalisait, n’ait été en définitive produite par le talent singulier de quelques individus ; la masse ne la possédait qu’alors seulement, et elle se l’appropriait par l’usage, par la jouissance. […] Si Jasmin avait vécu au temps des troubadours, s’il avait écrit en cette littérature perfectionnée dont il vient, après Goudouli, Dastros et Daubace, et, à ce qu’il paraît, plus qu’aucun d’eux, embellir encore aujourd’hui les débris, il aurait cultivé la romance sans doute, et quelques heureux essais de lui en font foi ; mais il aurait, j’imagine, préféré le sirvente, et, en présence des tendres chevaliers, des nobles dames, des Raymond de Toulouse et des comtesses de Die, il aurait introduit quelque récit railleur d’un genre plus particulier aux trouvères du Nord, quelque novelle peu mystique et assez contraire au vieux poëme de la vie de sainte Fides d’Agen. […] Une tradition populaire du pays en a fourni le sujet au poëte ; mais il a su y élever une composition soutenue, graduée, délicate et touchante, qui le classe, à bon droit, parmi les plus vrais talents en vers de notre temps. […] Enfin on est à l’église ; le temps s’est levé, il fait soleil, et pourtant il pleut ; la noce arrive : Angèle, toujours étourdie et ne pensant qu’à sa croix d’or ; Baptiste, muet, triste comme la veille.

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