Tous deux soutinrent par leurs talents, et, ce qui vaut mieux, épurèrent par leurs vertus l’éclat d’un nom qui rappelait des souvenirs puissants, mais impopulaires, et une gloire un peu sombre. […] Le caractère du style aussi bien que de la vie du marquis d’Argenson est le bon sens, comme on le croira sans peine ; ennemi du clinquant et de ce qu’il appelle les épigrammes politiques, il ne l’est pas moins des pointes et des épigrammes du langage ; avide avant tout de vérités proverbiales, de dictons populaires, et heureux d’en confirmer sa pensée, la trivialité même ne l’effraye pas, il ne l’évite jamais ; mais par malheur la raison n’est pas toujours triviale ; il arrive donc souvent aux saillies à force de sens, et beaucoup de ses comparaisons sont piquantes parce, qu’elles sont justes, Qu’Albéroni, par exemple, vivant à Rome après sa disgrâce, entreprenne, au nom du pape, souverain temporel, la conquête de la petite république de Saint-Marin ; M. d’Argenson, qui vient de nous exposer avec précision et peut-être sécheresse les travaux et les talents du cardinal, saura bien ici nommer cette entreprise une parodie des comédies héroïques qu’Albéroni a données à l’Espagne vingt ans auparavant, et, lui-même, le montrer joueur ruiné quoique habile qui se conduit en jouant aux douze sous la fiche, comme il faisait autrefois en jouant au louis le point.